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.... On trouvera .
20 février 2015

Far Far Awest

cowboyIl réalisait soudain tout le temps écoulé depuis sa première année. Tout le chemin parcouru entre le point A et B, et il se demandait comment il avait fait pour y survivre. Rectification, il connaissait la réponse à cette question, même s’il n’y songea pas un seul instant, merci à la claque le ramenant à la réalité avant l’arrivée de pensées sombres. Normalement, il aurait porté sa main à sa tête d’un faux air outré, mais au lieu de ça il éclata de rire de son côté de la banquette. Se faisant, il n’en garda pas moins les yeux rivés sur Niev en face de lui, comme s’il s’attendait à la revoir sursauter. Comme s’il avait connu ce trait de caractère toute sa vie, et observé tout au long de son enfance tel le grand frère qu’elle lui demandait d’être et qu’il acceptait enfin de jouer. Peut-être se donnait-il ce rôle depuis plus longtemps qu’il ne l’imaginait. Après tout, qui d’autre vous tape à grand coup de poêle à frite pour une bêtise dite sinon une petite sœur ? Ou d’une claque à l’arrière du crâne, dans le cas présent. Il en oublia de porter attention au rire de la jeune fille deux tables plus loin, qui atteignit ses oreilles avec une bonne minute de décalage. Qu’importe, il accordait un plus grand intérêt aux propos à son encontre, d’autant plus que le ton s’angoissait au fur et à mesure que les mots dégringolaient en suivant ce qu’il savait le fil de ses pensées.

"T’es ma sœur, d’accord ? C’est ça que t’es, et le premier à dire que t’es une tare, il se reconnaitra pas dans le miroir."

Il avait beau être Niel, il conservait le même fond, ou du moins des traits de lui-même. Pas tous par contre puisqu’il comptait apprendre le français, et qu’était le français sinon une étape de plus ? Vers quoi ? Ce qu’il allait devenir, tôt ou tard. Plissant les yeux devant la tarte, il répéta un peu gauchement le mot, sa langue accentuant le son sur les voyelles, puis reposa le menu à l’arrivée des plats. Il tenta un « merci » approximatif auquel la serveuse répondit d’un sourire poli s’agrandissant légèrement avant qu’elle ne tourne des talons vers les cuisines. S’il le remarqua, il n’en fit rien, se tourna à nouveau vers la paire d’yeux bleus se mariant si bien aux siens depuis son arrivée, et dont il apercevait encore les contours des appréhensions formulées un peu plus tôt. Alors au lieu de s’attaquer au repas immédiatement, il posa sa main plus qu’il n’agrippa son poignet d’un geste qui se voulait rassurant.

"L’idée, c’est qu’on va disparaître tous les deux. Je m’occupe de tout, ta seule tâche sera de m’apprendre le français. Tout se passera comme tu le voudras, et personne ne nous retrouvera."

Après une courte pause, il reprit sur le ton de la confession.

"On n’oublie jamais vraiment, mais les gens se font tous une raison."

À son tour de sourire, maintenant. Rien à voir avec ses sourires charmeurs, que des coins de lèvres se rehaussant avec une sincérité qui faisait mal, quand même, parce que les souvenirs restaient les souvenirs. Puis il retira sa main, sans encore toucher à son assiette.

"Je crois que je me suis trouvé un métier moldu, au fait. Il y avait pas mal de fermes sur le chemin, je pourrais ouvrir une écurie. Monter un cheval ne doit pas être beaucoup plus compliqué qu’un balai. J’ai toujours voulu être un cow-boy."

Les dents se joignirent au sourire, l’idée lui plaisait. Et construire un ranch lui semblait tâche facile, surtout avec une baguette en guise de coup de main. Qui sait, peut-être même qu’avec un peu de chance, il pourrait convaincre la vieille dame d’utiliser une part de son terrain.

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