Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
.... On trouvera .
12 juillet 2016

Glass of Reality

glass

Elle est douée, c’est ce que pensa Arabella qui ne savait pas cuisiner grand-chose au-delà des pâtes et du homard, parce que grandir au Maine implique tout de même de savoir décortiquer et cuire les crustacés qu’on y pêche. Les langues en revanche, elle ne valait guère mieux que son frère à ce niveau. L’anglais servait à se débrouiller partout dans le monde puisque le monde entier l’apprenait. Quant aux dialectes magiques, elle n’en voyait pas l’intérêt, alors perdre complètement un accent, elle trouvait l’exploit remarquable, et devait avouer tenir trop au sien en tant qu’identité pour accepter de le sacrifier.

"Quelles langues sais-tu parler ?"

Le sujet ne l’intéressait pas moins, ne serait-ce que pour mieux connaître le nouvel oiseau. Les copines d’Andrew avaient toujours été spéciales. Chaque sœur pourrait en dire autant, mais celles de son frère avaient toutes une aura de tristesse dans leurs bonnes manières. Se montrer présentable pour avoir l’air de, cacher le heurt intérieur. Il n’y avait eu que la première à être d’une banalité effarante. Paradoxalement c’était celle qui avait le plus marqué son idiot de frère, mais les morts ont de don de poser une marque au fer rouge sur les vivants. Edwina quant à elle écoutait, patiente, attentive et intéressée. Un peu troublée aussi, d’apprendre les troubles de mémoire d’une si jeune femme. Déformation professionnelle, mais pas que. Il ne s’agissait pas d’une patiente, mais d’une invitée sous son toit, amie de son fils. À la compassion de son regard se mêla un heureux amusement, contente de l’optimisme d’Eleiakin, mais aussi de voir qu’elle s’entendait bien Andrew dont le comportement aventureux – voire des mains baladeuses – fit éclater de rire Arabella.

"J’aurais adoré voir ça, il n’a jamais su aborder les filles !"

De l’autre côté de la pièce le sujet de la conversation s’arrêta net avant d’entrer, dos au mur qui le dissimulait. Il ne pensait pas que les deux images de lui se confronteraient ce soir, misant plus vite sur le récit d’un souvenir gênant d’enfance ou de la vie en Irlande. Sa vie de Plume n’avait pas traversé l’Atlantique. D’abord parce qu’on ne raconte pas ce genre d’histoire à sa mère ou sa petite sœur, ensuite parce que cette identité-là avait vu le jour en Irlande. Ramener un tel masque, un tel changement à a maison, à quoi bon ? Il n’avait pas de quoi être fier de beaucoup de choses commises en tant que Plume, et le doré de la médaille, il préférait l’agiter aux yeux de ceux qui ne l’avaient pas connu avant ses seize ans. C’était égoïste et sans doute un peu hypocrite, mais il ne s’était jamais vanté d’être un exemple. Inversement il ne parlait pas de sa famille à ces gens-là, ou alors en grandes lignes. Il espérait que sa mère ne le prendrait pas mal, ce n’était pas contre elle. Il aurait aimé voir son expression en entendant les mots d’Elei, mais pas tant, autrement il aurait mis le pied dans la pièce où Arabella confirmait avec enthousiasme le sens de déduction de leur invitée.

"En plein dans le mille. J’ai commencé comme Gardienne, mais maintenant j’occupe un poste de Poursuiveuse. C’est ce que j’ai toujours voulu faire, je postule l’an prochain pour entrer dans une équipe pro. Notre père était joueur, il fait de l’entraînement maintenant."

"Et il a intérêt à aller entraîner aux enfants avant que son genou ne se dégrade davantage."

Le rire d’Arabella retentit à nouveau, amusée de l’entêtement de son passionné de père. Reprenant le fil de la conversation, Edwina poursuivit.

"Je suis infirmière, et heureusement, avec tous les casse-cous de cette famille. Et toi Eleiakin, as-tu terminé tes études ? Merci pour la dinde, laissons-là refroidir, Isaac ne rentrera pas tout de suite. Allons nous asseoir. Tu n’as pas touché au lait du poule, préfèrerais-tu du vin ?"

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité