I can make you disappear

Dessiner des mésanges. Ouais, ça aussi, il n’y arrivait pas. C’était drôle – quoi que pas tant que ça – parce qu’il bougeait sans cesse et n’accomplissait jamais rien de concret à chaque fois. Andrew McAllen, toujours à faire aller sa grande gueule à gauche et à droite. Beaucoup de paroles et bien peu de gestes. Il se dénigrait sûrement plus qu’il le fallait. Forcément, à se faire traiter d’idiot, il vint à le croire et à l’utiliser comme excuse, pourtant il n’avait pas l’impression de choisir le chemin facile.

" Non, ne lui dit rien. "

De son portefeuille, il tendit un bout de parchemin à Elei, d’apparence beige et sans rien dessus, visiblement.

" Donne-lui juste ça, okay ? "

Amalia comprendrait. Si bien qu’elle n’aurait peut-être pas besoin de tenir le morceau de papier près d’une source de chaleur pour voir le « X » inscrit à l’encre invisible. Niveau code, on pouvait difficilement faire mieux, et cette seule lettre suffirait pour faire passer un message d’une lettre entière qu’il n’aurait jamais été en mesure d’écrire. Les mots, ça n’avait jamais été son truc. L’éloquence et lui, ça faisait deux. Lentement, Andrew prit une autre gorgée de vin. C’était autre chose, ça, l’alcool. Il en prenait moins, et pour sûr, ça lui faisait bizarre. Il baissa les yeux vers les mains d’Elei. Elle tremblait. Rien d’alarmant, ou rien en comparaison aux crises qu’elle fit à Swyn à cause de cette fichue potion de métamorphose. Est-ce qu’elle en prenait encore ? Si elle se teignait les cheveux avec la magie même en vivant chez les moldus, qui disait qu’elle n’allait pas gambader dans les prés en pleine nuit, la crinière au vent ? Elle était heureuse pour tout le monde, mais qui l’était, pour elle ? Personne, parce qu’elle les repoussait tous, et qu’elle s’était sauvée sans un au revoir pour qui que ce soit.

" T’sais Elei, c’est facile, de trouver quelqu’un d’autre. Si tu reviens pas, il se recasera sûrement, comme tu dis, mais c’est pas pour autant qu’il t’effacera de sa vie, hein, les souvenirs restent, eux. "

Andrew but une autre gorgée, puis ricana, se moquant de lui-même.

" J’ai sûrement pas le droit de te donner des leçons de morale, mais j’crois quand même que tu devrais lui écrire, juste pour lui donner une raison. "

Le doute, ne pas savoir, ça rongeait de l’intérieur, il le savait mieux que n’importe qui.

" Et puis quelqu’un de mieux, tu me fais marrer. Tu crois que Thèdes méritait pas un type bien, au lieu de tomber sur moi ? C’est pas pour rien que j’voulais venir avec toi, quand tu parlais de partir au bout du monde, alors soit tu lui mens et tu le laisses passer à autre chose, soit tu te remets avec lui. "

Son sourire disparut. Il s’appuya le coude sur la table, puis la tête sur sa main, ses doigts emmêlant quelques mèches qui restèrent en désordre lorsqu’il relevant les yeux vers elle.

" Si tu m’dis que tu veux vraiment disparaître, j’vais t’aider, et j’raconterai ce que tu veux à qui tu veux. "

Si Elei ne voulait pas mentir, Andrew, lui, savait très bien le faire. Vidant le verre de vin d’une traite, il se leva de sa chaise pour aller s’asseoir sur la table, près d’elle.

" J’reste pour la semaine, ouep ! J’ferai des allers-retours entre l’Irlande et la France après ça pour le reste du mois alors te sauve pas ailleurs, okay ? Thèdes va me tuer si j’dois recommencer à te chercher, et puis j’suis sûr que les mamies vont m’adorer ! Tu veux aller acheter tes trucs tout de suite, ou on finit la bouteille de vin ? "

Ça avait toujours quelque chose d’irréaliste, de voir Elei boire, mais tout le monde changeait, même elle. De son index, il lui relevant le menton, à nouveau souriant, son regard croisant les yeux bleus d’Elei, le même bleu que les siens.

" Tu t’en rappelles sûrement pas, mais j’avais fait ça la première fois qu’on s’est rencontrés. Tu m’avais envoyé balader quand je t’avais dit que j’adorais la couleur de tes yeux. J’suppose qu’on était tous les deux différents, à l’époque. "

Sans rien ajouter, il la relâcha, laissant sa main retomber sur sa jambe.