It will be better if

Elle trempa doucement ses lèvres dans le verre, grimaçant au gout acre de vin coupé, écoutant patiente, notant dans un coin de sa tête ce qu’il lui disait, quelque peu calmée du coup de stress précédant. Quelque peu, car ce dernier se transcrivait par des tremblements de ses mains fines, qui se confondaient facilement avec les symptômes du manque. Pourtant, elle était parfaitement sevrée de cette fichue potion. Ça avait été dur, les premières semaines, parce qu’à drogue unique, il n’y a jamais de traitement autre que le sevrage complet. Pas de placebo, ni d’alternative. Et pour Elei, se rapprocher du monde des sorciers pour une quelque oncques raisons que ce soit signifierait une rechute rapide et complète dans son tourbillon noir et pâteux de délires et d’absence. C’était fini, cela devait cesser et ça avait cessé.  Maintenant, ses tremblements n’évoquaient qu’un coup de froid, rare sous ces latitudes ou de peur.

Elle le regarda réagir à l’évocation d’Amalia, esquissant un petit sourire, se souvenant des histoires de la mésange et de l’étalon noir avant que celle-ci ne s’attarde sur le Border Collie. Une autre gorgée de vin

« Pas la peine de faire des simagrées, Niel, rappelle-toi que c’est moi qui tentait de t’apprendre à dessiner des mésanges. Je lui parlerais de toi sans faute, je coderais ma lettre, elle comprendra. De toute façon, toutes les lettres que je lui envoie sont codées pour passer la censure et le caviardage de sa cage dorée. Mais elle n’est pas encore fiancée à ce que je sache. Les De Lenn sont en train de peser les pours et les contres sous l’égide des d’Orcy »

Elle pencha la tête, regardant son verre se vider peu à peu, heureuse de voir que les effets de l’alcool ne se faisaient pas ressentir. Ce n’était pas le moment de sombre. Elle sourit face à la photographie, soufflant dessus. C’est joli. Mais je te préférais avec tes cheveux longs. Petit éclair de mémoire. Une voix, la même, une inconnue connue. Mais qu’est-ce que cette folie, qu’est ce qui t’a pris ? Ombre fantôme. Qui es-tu ?  

« Je suis heureuse pour les Plumes … pour toi … pour Laure … Pour Thèdes … Vous m’avez l’air heureux. »

Elle repose la photo sur la table, se décollant de la fenêtre pour retourner s’assoir en face de lui, le fixant d’un air sérieux et convaincue.

« C’est compliqué … Pour Matt. Il faudrait qu’il se fasse une raison, qu’il m’oublie … qu’il me pense morte …Tu sais … Je ne pourrais jamais le rendre vraiment heureux, c’est quelqu’un de très famille … et moi, je serais bien incapable de lui donner et d’élever les enfants qu’il attendrait. Parce que je suis persuadée que vous ne voyez pas le mariage et la vie de couple comme cela avec Thèdes mais nous c’est … c’était… Il aurait beau me sourire, je saurais au fond de moi-même qu’il ne serait jamais heureux. Tu sais, c’est quelqu’un d’infiniment gentil, il se recasera très vite avec quelqu’un de nettement mieux que moi, quelqu’un sur qui on peut compter. Je ne veux pas lui donner de faux espoirs en lui envoyant une lettre. Et je ne veux pas lui mentir en lui disant que je ne l’aime plus. Enfin, il est toujours en relation avec ma famille et eux, je ne veux pas qu’il me retrouve ou qu’ils sachent quoi que ce soit. »

Elle tente un sourire, pour cacher sa voix tremblante, les sanglots qui taraudent. Les médecins avaient dit. Elle l’avait décrété définitif, ce pronostique et n’avait jamais reconsulté par la suite. Le simple faite de passer devant un hôpital ou un cabinet la mettait mal à l’aise .Changeons de sujet

« Je dois remplir le frigidaire pour une semaine à quatre personnes, cinq si tu restes, préparer les chambres d’amis , ranger la maison et mettre de l’ordre dans le grenier avant quatre jours , parce que je vais avoir trois mamies toutes émoustillées par leur voyage à Kyoto  et qui ont déjà un programme long comme mon bras pour leur semaine ensemble en France . On peut commencer par le frigidaire si tu veux, ça nous fera manger dehors ainsi et voir du pays . »